Courte histoire de l'Ukraine
Des premiers Slaves à la Rus' Kiévienne
Tout d’abord, c’est dans les contrées du nord ukrainien, que s’installèrent les premières tribus slaves au cours du VIIe et VIIIe siècle de notre ère. Etant situées, à cette époque, au carrefour de la Scandinavie et de l’Empire byzantin mais aussi de la mer Caspienne et de l’Europe centrale, ces tribus connurent la forte influence des Vikings. Ces derniers furent à l’origine de la création et de l’essor de Kiev [Oleh en 878]. Constantinople influença ce royaume notamment par la christianisation de la population en 988 (3), faisant de cette région le berceau de la religion orthodoxe.
Cet empire, à la culture florissante et brillante, connaîtra une période d’apogée en Europe orientale avant de tomber dans la féodalité caractéristique du Moyen Age. L’Etat de Kiev, ne pouvant plus assurer sa défense, fut pris par les Tatars en 1240 tandis que les régions de Galicie – Volhynie restèrent autonomes, permettant ainsi la continuité politique et culturelle de cet empire déchu. Un siècle plus tard, la Grande Principauté de Lituanie alliée au royaume de Pologne, alors en pleine expansion, conquit progressivement la presque totalité du territoire ukrainien actuel en faisant reculer les Mongols.
Une histoire sous domination étrangère
Ainsi commence la dépendance de la nation ukrainienne aux grandes puissances qui l’entourent. Son histoire sera déterminée par la position géographique de ce territoire. Ayant pour voisins les puissances russes et polonaises, ce peuple n’aura d’autre choix que de faire allégeance à l’un ou à l’autre pour préserver un embryon d’Etat qui deviendra finalement vassal (4) puis simple territoire russe au cours du XVIIe siècle. Le soulèvement cosaque contre le royaume polonais amena à la création de l'hetmanat par Bogdan Khmelnitsky en 1648, qui, pour résister à la pression polonaise et tatare, signa le traité de Pereyaslav avec la Russie en 1654 Ce traité prévoyant l'autonomie de l'entité ukrainienne devint rapidement désuet sous Pierre le Grand puis Catherine II.
Au cours des siècles suivant, le peuple ukrainien ne fera que subir les luttes entre puissances se déroulant dans cette partie d’Europe. La paix d’Andrusovo de 1667 scella le premier partage du territoire ukrainien entre la Pologne et la Russie. Enfin, l’ouest de l’Ukraine passa sous le contrôle de l’empire Austro-hongrois suite aux partages de la Pologne au cours du XVIIIe siècle (5), tandis que l’est resta sous domination russe.
Le 20e Siècle
L'entre-deux-guerres
Après une relative tolérance de Moscou envers la culture ukrainienne, tolérance visant à « convaincre » une population majoritairement paysanne du bien fondé de la révolution prolétarienne, survint la répression stalinienne avec la famine « artificielle » de 1933 (7) et son lot de purges.
La Seconde Guerre Mondiale
La période sovétique
L’ère Brejnev fut marquée par une période de stagnation politique et de baisse économique. L’importation de céréales, dans ce grenier à blé de l’URSS, devint nécessaire pour nourrir le peuple ukrainien. La répression des dissidents s’accentua bien que, pour certains historiens, l’envoi au goulag de nationalistes ukrainiens n’ait fait qu’accroître leurs convictions et les ait dotés de revendications politiques plus précises.
L'indépendence
Tout d’abord, l’indignation de la population ukrainienne à la suite de la catastrophe de Tchernobyl du 26 avril 1986 permit de mettre en avant l’incompétence du régime et son mépris des hommes.
S’ajoute à cela le discrédit dans lequel tomba progressivement l’idéologie communiste avec l’instauration progressive d’un débat politique et notamment avec l’affirmation du caractère artificiel de la grande famine.
Enfin, deux mouvements nationalistes ukrainiens, créés en 1989, vont jouer un rôle fondamental : la Société Chevchenko et le mouvement réformateur Rukh. Ce dernier remporta d’ailleurs un beau succès électoral au sein du « Bloc démocratique » lors des élections au Soviet suprême de mars 1990. Les indépendantistes restèrent néanmoins minoritaires et ce n’est que grâce à une alliance avec une partie des élites communistes que tout va basculer.
C’est en effet, sous la pression de la rue et notamment des mouvements étudiants de la capitale à l’automne 90, qu’une partie des communistes, déstabilisés par la période de perestroïka, vont joindre leurs voix aux indépendantistes et permettre le vote de l’indépendance par le Parlement de Kiev. La déclaration de souveraineté votée le 16 juillet 1990 sera pourtant l’une des dernières à être adoptée en URSS (11). Le rôle joué par les communistes dans l’affirmation de l’indépendance ukrainienne a d’ailleurs permis une transition pacifique mais également un maintien dans les instances gouvernantes de ces derniers après l’indépendance.
C’est la déclaration d’indépendance votée à l’unanimité par le Parlement, le 24 août 1991 qui va permettre la suspension du Parti Communiste et le retour officiel de la langue ukrainienne comme langue utilisée par la nomenklatura. Cette indépendance sera massivement confirmée par le référendum du 1er décembre 1991 (12). C’est d’ailleurs ce soutien populaire exceptionnel qui facilita la consolidation de l’indépendance et la reconnaissance internationale de l’Ukraine. L. Kravtchouk, ancien membre « pro-souveraineté » du parti communiste, sera élu le même jour président de la République ukrainienne.
Blandine Scrève
(1) Continent européen envisagé de façon restrictive ; exclusion de la Russie et de la Turquie.
(2) Les données historiques qui suivent sont issues des livres : Histoire de l’Ukraine – Des origines à nos jours, Arkady JOUKOVSHY, Editions du Dauphin, 2005 ; Que sais-le ? L’Ukraine, O. de Laroussilhe, PUF, 1998
(3) Le Prince Volodymyr se convertissant au christianisme suite à son mariage avec une des princesses de Byzance.
(4) En 1654, traité Péréiaslav : traité d’alliance avec la Russie par lequel l’Hetmanat cosaque se place sous sa protection.
(5) Le deuxième et troisième partage de la Pologne (1772 – 1795)
(6) A l’exception de la Bukovine rattachée à la Roumanie et de la Ruthénie concédée à la Tchécoslovaquie.
(7) Cet événement constitue un véritable génocide avec 5 à 6 millions de paysans morts de faim et un million déportés pendant que l’URSS exportait le blé ukrainien ; le caractère artificiel, élément fondamental de la définition du génocide est cependant à nuancer. Ce dernier fait encore l’objet de débat, notamment sur les causes réelles de cette catastrophe humanitaire.
(8) Etat situé dans la partie occidentale de l’Ukraine actuelle.
(9) « Organisation des nationalistes ukrainiens » exilée depuis 1923
(10) Villes et villages détruits, 40 % du potentiel économique est détruit, une troisième famine s’annonce.
(11) Elle intervient notamment après celle adoptée par le Soviet suprême de Russie en juin.
(12) 92,32% de oui avec 84% de votants